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Blocage de la diffusion de porteurs dans un semi-conducteur

par Anne-Marie - publié le

La diffusion est un phénomène très général qui tend à rendre uniforme la composition d’un milieu dès que celui-ci est spatialement inhomogène. Il a été décrit dès le 19e siècle par des lois (loi de Fick) qui ont été appliquées dans les gaz, les solides (diffusion de la chaleur, d’impuretés…) ou même pour la propagation des épidémies.

Une équipe du groupe EPS a montré un cas où cette même inhomogénéité du milieu génère des flux s’opposant à la diffusion, ce qui conduit à un autoblocage de la diffusion. Ce travail vient d’être publié dans J. Appl. Phys. et l’éditeur a décidé de lui accorder une visibilité accrue en lui attribuant le titre de Editor’s pick [1].
Comme le montre la figure ci-dessus, on excite localement un échantillon semi-conducteur (ici GaAs de type p à température ambiante) par un faisceau laser très focalisé d’énergie supérieure à la bande interdite. Il en résulte une forte inhomogénéité spatiale de la concentration de photoélectrons générés par cette excitation lumineuse dans un plan parallèle à la surface (r sur la figure). Comme le montre la figure, ceci entraine naturellement un flux diffusif centrifuge parallèle au plan de la surface. Cette diffusion permet aux photoélectrons de franchir une distance égale à la longueur de diffusion. Cette distance est de l’ordre de plusieurs micromètres, c’est-à-dire bien plus que le rayon effectif de la tâche du laser.
Le blocage de la diffusion est directement lié à la présence de la surface. En raison des défauts intrinsèques de cette surface, il existe un champ électrique dans une zone sous la surface d’épaisseur de l’ordre de la fraction de µm. Cette zone, appelée zone de déplétion, est responsable de la courbure vers le bas de la bande de conduction. Sous excitation lumineuse, ce champ électrique sépare les électrons des trous ce qui génère un photovoltage en surface qui abaisse la position de la bande de conduction en volume (voir figure).

Les effets de ce photovoltage sont négligeables pour un échantillon non traîté, c’est-à-dire naturellement oxydé. Mais ils augmentent fortement si l’on diminue la recombinaison, c’est-à-dire les pertes de photoélectrons à la surface par un traitement chimique approprié. Dans ce cas, cette même inhomogénéité de concentration de photoélectrons dans la direction latérale (r sur la figure) génère une inhomogénéité de photovoltage qui produit un « creux » dans la position de la bande de conduction, centré sur la position de l’excitation par le laser. Il en résulte un flux, appelé sur la figure « flux de photovoltage » vers cette position, dont on peut montrer qu’il s’oppose exactement au flux diffusif centrifuge, et donc génère un phénomène d’autoblocage de la diffusion parallèle à la surface. Des mesures par imagerie de luminescence ont montré que, pour cet échantillon, le flux diffusif est ainsi divisé par un facteur 5.

On peut enfin choisir une excitation lumineuse polarisée circulairement, ce qui génère des photoélectrons polarisés de spin. Dans ce cas, la mesure de la polarisation circulaire de la luminescence permet d’étudier la diffusion de spin. De façon remarquable on observe, comme le prédit le calcul, que la diffusion de spin est beaucoup moins bloquée que la diffusion de charge par le photovoltage. Ceci montre que le spin de l’électron peut avoir un comportement indépendant de la particule qui le porte.

[1] Park et al. J. Appl. Phys. 126, 025701 (2019)

Fig. 1 : Dépendance spatiale de l’énergie de la bande de conduction d’un semi-conducteur sous excitation lumineuse fortement focalisée. L’apparition d’un photovoltage à l’endroit de l’excitation lumineuse crée un creux de potentiel qui s’oppose à la diffusion des photoélectrons générés par l’excitation lumineuse dans le plan parallèle à la surface.