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L’échange gazeux

par Hervé Henry - publié le , mis à jour le

La respiration chez les mammifères a pour but d’amener dans le sang l’oxygène nécessaire et d’évacuer le gaz carbonique, résidu de combustion du cycle de Krebbs. Elle s’effectue au travers du poumon, dont la partie aérienne est un système complexe constitué d’une part d’une arborescence dichotomique comportant 23 niveaux de branchements (ou générations) et d’autre part d’une surface d’échange dont la superficie globale est d’environ 100 m2 chez l’adulte. Les modalités de transport des gaz au sein de ce système sont diverses : la convexion assure le déplacement des molécules d’oxygène ou de gaz carbonique dans la partie haute de l’arborescence (les 17 premières générations), mais dans les régions plus distales, c’est la diffusion qui s’en charge, dans un air quasi-immobile. Aussi surprenant que cela paraisse, la compréhension quantitative de la capture de l’oxygène nécessaire à notre vie est restée jusqu’ici le fruit d’interprétations réductionnistes incomplètes. De même, les capture de l’oxyde de carbone, CO, et de l’oxyde d’azote, NO, utilisées couramment en médecine dans les explorations fonctionnelles respiratoires, ne sont interprétées qu’à travers des descriptions dont certaines sont en contradiction avec certains principes fondamentaux de la physique. Or les réponses à ces questions ont des ramifications multiples en termes de médecine ou de santé publique, de pollution, d’indications thérapeutiques de CO et NO, de médecine du sport, de protocoles de respiration assistée et de mise au point de nouvelles techniques exploratoires utilisées auprès des malades et par l’industrie pharmaceutique pour la mise au point et la certification de nouvelles drogues. C’est en utilisant des concepts physiques de base que nous avons pu mettre en œuvre les stratégies de calcul permettant de quantifier la capture de l’oxygène au cours du cycle respiratoire. La difficulté qui a été résolue était la suivante : cette capture dépend des phénomènes de ventilation-diffusion dans le système alvéolaire, qui eux même dépendent de la capture de l’oxygène par le sang, elle-même dépendant de la ventilation-diffusion dans le système alvéolaire. Ce type de processus complexe est dit « auto-cohérent » et ces calculs sont maintenant rendus possibles par nos méthodes.

La courbe rouge exprime la valeur théorique de la quantité d’oxygène capturée par le poumon à l’exercice extrême VO2max en fonction de l’altitude. Les cercles représentent les mesures et leur dispersion due à la variabilité intrinsèque entre les individus. Le VO2max est obtenu à partir de seulement deux données, la ventilation et le débit cardiaque (Richalet et Henry, 2006. Médecine de l’alpinisme, 4th Ed. Masson). On pressent l’importance que nos méthodes peuvent prendre en physiologie du sport.

La caractéristique essentielle de cette nouvelle approche est d’être « ascendante », terme français pour l’anglais « bottom-up », car on part de la géométrie de l’acinus pulmonaire, cellule de diffusion où le gaz est capturé par le sang et on remonte au fonctionnent du poumon entier. C’est l’équivalent pulmonaire de la compréhension des propriétés d’un solide à partir des propriétés des atomes le composant. Ici, l’atome est un acinus, il y en a 30.000 dans nos poumons, et le solide, c’est le poumon. Cette analogie suggère le champ des applications possibles aux questions mentionnées au deuxième paragraphe de cette présentation.

La puissance des méthodes est illustrée par la figure ci-dessus sur laquelle sont comparés la quantité d’oxygène captée par les poumons en cas d’exercice extrême, le célèbre VO2 des journaux calculé, la courbe en noir et les mesures expérimentales de la capture entre le niveau de la mer et le sommet de l’Everest.

Références :

  1. B. Sapoval, M. Filoche, E.R. Weibel, “Smaller is better-but not too small : a physical scale for the design of the mammalian pulmonary acinus”, Proc Natl Acad Sci USA 99, 16 : 10411-10416 (2002).
  2. M. Felici, M. Filoche, B. Sapoval, “Renormalized random walk study of the efficiency of the mammalian pulmonary acinus”, Phys. Rev. Lett. 92, 6 (2004).
  3. D.S. Grebenkov, M. Filoche, B. Sapoval, M. Felici, “Diffusion-reaction in branched structures : theory and application to the lung acinus”, Phys. Rev. Lett. 94, 050602 (2005).
  4. A. Foucquier, M. Filoche, A.A. Moreira, J.S. Andrade Jr, G. Arbia, B. Sapoval, “A first principles calculation of the oxygen uptake in the human pulmonary acinus at maximal exercise”, Resp. Physiol. & Neurobiol. 185:625-638 (2013).
  5. B. Sapoval, M.-Y. Kang, Ira Katz, “A new approach to the dynamics of oxygen capture by the human lung”, Resp. Physiol. & Neurobiol. 205 :109-119 (2015).