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Le transport d’aérosols et l’administration liquidienne par voie pulmonaire

par Hervé Henry - publié le , mis à jour le


En raison de la remarquable superficie de l’interface air-sang, les poumons sont une voie privilégiée pour l’administration systémique par voie aérosol. Notre groupe a étudié les mécanismes de dépôt d’aérosols dans le poumon, en montrant que le transport au sein de l’arbre trachéobronchique pour une population de particules ou de gouttelettes est essentiellement un processus « multiplicatif » où chaque bifurcation successive opère indépendamment. En d’autres termes, la fraction de particules atteignant une génération donnée s’obtient en multipliant les probabilités de non-impaction à chaque bifurcation le long du trajet, probabilités qui dépendent uniquement de la morphologie de la bifurcation et du « nombre de Stokes » local des particules. Cette approche permet de calculer de façon très simple les taux de dépôt même dans un arbre complexe, et de comprendre le rôle de la morphologie bronchique sur la capture des aérosols.


Nous nous intéressons également au transport de fluides dans les voies aériennes pulmonaires, et notamment à l’administration de surfactant. Les alvéoles pulmonaires sont normalement tapissés d’une substance liquide, appelée surfactant, qui permet leur dilatation et contraction régulières durant la respiration. Or l’absence ou le manque de surfactant entraîne des détresses respiratoires chez le nouveau-né prématuré et participe au syndrome de détresse respiratoire aiguë chez l’adulte (SDRA). L’un des traitements préconisés consiste en l’administration directe de surfactant dans la trachée du patient. Cependant, son efficacité reste limitée. Ainsi, près de 35% des bébés prématurés ne répondent pas au traitement par substitution de surfactant, et cette thérapie n’a pas connu le succès escompté chez l’adulte.

La mise au point du premier modèle physico-mathématique permet aujourd’hui de comprendre les mécanismes qui régissent le transport d’un médicament liquide par voie trachéobronchique. Nos travaux ouvrent la voie à une révision complète des essais passés et à une revisite possible de voies thérapeutiques abandonnées pour des raisons peut-être erronées. En effet, grâce à notre modèle qui intègre des données de l’architecture pulmonaire tridimensionnelle (bronches, bronchioles, alvéoles), les propriétés du fluide (viscosité, densité) et les lois d’interactions entre fluide et paroi et les mécanismes de séparation à chaque bifurcation en fonction de l’orientation et de la gravité, nous avons pu montrer que les hypothèses classiques qui sous-tendent les essais cliniques ne sont pas toujours vérifiées. Le système pulmonaire est très complexe et le trajet du surfactant administré dépend de ses propriétés physico-chimiques, de la taille du patient ou encore de la méthode d’administration. Grâce à ce nouvel outil, les médecins et les laboratoires pharmaceutiques peuvent espérer ainsi améliorer la prédiction de l’efficacité thérapeutique et individualiser les traitements pour les adapter à chaque patient.

Quelques publications significatives :

  1. T.F. de Vasconcelos, B. Sapoval, J.S. Andrade Jr., J.B. Grotberg, Y. Hu, M. Filoche, “Deposition of particles in the lung made simple ?”, J. Appl. Physiol. 110:1664-1673 (2011).
  2. J.R. Zierenberg, D. Halpern, M. Filoche, B. Sapoval, J.B. Grotberg, “An Asymptotic Model of Particle Deposition at an Airway Bifurcation”, Math. Med. & Biol. 102(30):131-156 (2013).
  3. P.-A. Muller, M. Pichelin, G. Apiou, B. Louis, I. Katz, G. Caillibotte, M. Filoche, D. Isabey, “Maximal efficiency of convective mixing occurs in mid acinus : a 3D-numerical analysis by an Eulerian approach”, J. Aerosol Sci. 76:163-174 (2014).
  4. M. Filoche, C.-F. Tai, J. B. Grotberg, “A three-dimensional model of surfactant delivery into the lung”, Proc. Natl. Acad. Sci. USA 112 (30) : 9287-9292 (2015).