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Une approche expérimentale originale pour mesurer la structure électronique résolue en spin des centres paramagnétiques dans les semi-conducteurs

par Anne-Marie - publié le , mis à jour le

Une technique de photo-courant transitoire a été adaptée pour la rendre sensible au spin. Ceci a permis de mesurer la structure électronique, résolue en spin, des centres responsables pour un effet spectaculaire de recombinaison dépendent du spin dans les semi-conducteurs nitrures dilués.
Ce travail a été récemment publié dans le journal Physical Review Letters

Les électrons ont à la fois une charge et un spin, le second étant considéré comme un moyen potentiel d’encoder et de traiter des informations quantiques. Les matériaux dans lesquels le spin est couplé à la charge sont intéressants pour de telles applications, car ils offrent un moyen pratique d’initialiser et de lire le spin par le biais, par exemple, d’une simple mesure de photoluminescence ou d’intensité de photo-courant. L’un des matériaux qui présente un effet de couplage très important de spin-charge - connu sous le nom de recombinaison dépendante du spin (« spin-dependent recombination » ou SDR en anglais)-, est le semi-conducteur GaAsN, un alliage de nitrure dilué. On soupçonne l’origine microscopique de la SDR d’être liée à des électrons polarisés en spin qui se trouveraient sur un défaut interstitiel de gallium dans un état électronique paramagnétique. Ceci dit, les détails de cette structure électronique ne sont pas connus. Ce travail, fruit d’une collaboration franco-australienne, se base sur une adaptation sensible au spin d’une technique de photo-courant transitoire baptisé pol-PICTS. Il a permis à une détermination expérimentale de la structure électronique résolue en spin de ce défaut. La connaissance de la structure électronique du défaut est en effet essentielle si l’on veut exploiter de manière optimale la SDR pour une application en information quantique, et les résultats obtenus peuvent aider à l’identification du défaut grâce à la détermination de son environnement chimique.

Les défauts dans les cristaux peuvent entraîner une structure électronique locale composée d’états situés dans la bande interdite. Lorsque les états se trouvent loin des bords de bandes, on parle de « centres » dont la présence est traditionnellement considérée comme indésirable. Cependant, ils peuvent avoir des propriétés utiles pour de nouveaux dispositifs. Par exemple, ces centres peuvent être une source de photons uniques pour des applications en optique quantique, auquel cas ils sont connus sous le nom de centres colorés. Ils peuvent également être associés à un spin paramagnétique dont les propriétés sont sensibles au champ magnétique et à la polarisation du spin électronique. L’exemple le plus connu est le centre NV du diamant (qui est aussi un centre coloré !). L’utilisation de ces centres pour les applications quantiques nécessite une connaissance de leur structure électronique. Dans ce travail, la structure électronique résolue en spin d’un centre paramagnétique lié à un interstitiel de Gallium dans des semi-conducteurs de nitrure dilués a été mesurée en utilisant une adaptation originale d’une technique connue sous le nom de spectroscopie transitoire de courant photo-induit (en anglais, PICTS).
Dans la méthode PICTS standard, une impulsion laser dite de remplissage d’une durée typique de 0,1 s, est absorbée dans l’échantillon. Cette impulsion remplit tous les centres vides par des processus de piégeage. Le laser est ensuite rapidement éteint (généralement en moins de 10 µs) et, lorsque la charge piégée est relarguée dans les bandes, il en résulte un transitoire de courant. Si ce relargage de charge est activé thermiquement, la constante de temps caractéristique du transitoire dépend de l’énergie du centre par rapport aux bandes. En mesurant les changements de la constante de temps caractéristique du transitoire en fonction de la température, il est possible d’obtenir une estimation expérimentale de cette énergie. Les nitrures dilués sont particuliers car les électrons de conduction peuvent être polarisés en spin optiquement à l’aide de photons polarisés circulairement. Le centre ayant un état paramagnétique, le piégeage de ces électrons dépend de leur spin en raison de l’interaction d’échange (c’est le SDR !). Dans le pol-PICTS, une comparaison des transitoires de photo-courant en fonction de la polarisation du laser permet d’identifier les trois états possibles de l’interstitiel de gallium indiqués dans l’impression d’artiste de la figure. Par exemple, on constate que l’état paramagnétique ne contenant qu’un seul électron se trouve dans la moitié inférieure du gap. Les calculs ab initio de la structure électronique sont en mauvais accord avec la structure électronique mesurée, ce qui suggère que l’environnement chimique local de l’atome interstitiel résultant du désordre d’alliage est mal pris en compte.

Figure : La structure électronique du centre résolue en spin où les trous sont représentés par des sphères transparentes et les électrons par des sphères grises avec des spins rouges. Le niveau occupé par un électron est l’état paramagnétique responsable du SDR. Les barres plus longues représentent les bandes de conduction (en haut) et de valence (en bas) du semi-conducteur.